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Vie privée et licenciement : la Cour de cassation protège les liaisons au travail

La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 4 juin 2025 (n° 24-14.509), un arrêt remarqué sur les limites de l’emprise de l’employeur sur la vie privée des salariés. Elle juge qu’un licenciement prononcé en raison d’une liaison sentimentale relève de l’intimité de la vie privée et entraîne donc la nullité du licenciement.


Les faits : une liaison révélée, un licenciement immédiat


Une responsable du personnel, embauchée en 2018, est licenciée en avril 2019 pour faute grave. La lettre de licenciement détaille plusieurs manquements professionnels (non-paiement de salaires, retard dans les cotisations sociales, gestion RH défaillante, etc.).


Mais un élément extérieur change la perspective : la veille de la convocation, l’épouse du président de la société découvre la relation extraconjugale entre son mari et la salariée. Le lendemain, l’entretien préalable est déclenché.


La salariée soutient que son licenciement est fondé non pas sur ses manquements supposés, mais sur la révélation de sa liaison.


Le parcours judiciaire


  • Prud’hommes : le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, mais pas nul.

  • Cour d’appel : même analyse, en retenant que la lettre de licenciement ne mentionnait pas la vie privée.

  • Pourvoi en cassation : la salariée demande la nullité du licenciement, invoquant son droit fondamental au respect de la vie privée (art. 8 CEDH et art. 9 Code civil).


La position de la Cour de cassation


La Haute juridiction casse l’arrêt de la cour d’appel. Elle rappelle que :


  • un fait relevant de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement contractuel ;

  • le salarié bénéficie, même sur son lieu et temps de travail, du respect de l’intimité de sa vie privée ;

  • un licenciement motivé par une relation sentimentale constitue une atteinte à cette liberté fondamentale.


La Cour prononce directement la nullité du licenciement et condamne l’employeur à verser 20 000 € de dommages et intérêts (soit plus de 6 mois de salaire).


Un enjeu majeur : la distinction entre « vie personnelle » et « intimité de la vie privée »


  • Un licenciement fondé sur la vie personnelle du salarié (hors contrat de travail) est jugé sans cause réelle et sérieuse. L’indemnisation est alors plafonnée par le barème Macron.


  • Un licenciement fondé sur l’intimité de la vie privée est nul : l’indemnisation ne peut être inférieure à 6 mois de salaire, ce qui écarte l’application du barème Macron.


Dans cette affaire, la reconnaissance du caractère « intime » de la relation amoureuse a permis à la salariée d’obtenir une indemnisation plus importante, malgré son faible niveau d’ancienneté.


Un enseignement pour les employeurs

Cet arrêt illustre les limites strictes de l’ingérence de l’employeur dans la vie privée de ses salariés. Les relations sentimentales, même lorsqu’elles concernent la direction de l’entreprise, relèvent d’un noyau irréductible d’autonomie qui ne peut justifier un licenciement.


Les employeurs doivent donc :


  • se concentrer sur des manquements professionnels avérés ;

  • éviter tout mélange entre sphère professionnelle et sphère privée dans la motivation d’un licenciement ;

  • être conscients du risque de nullité si un licenciement touche à la vie sentimentale ou familiale du salarié.


⚖️ Le cabinet SAFARYAN Avocat accompagne salariés et employeurs dans la gestion des litiges liés à la vie privée au travail et au respect des libertés fondamentales.

 
 
 

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