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Enquête interne en matière de harcèlement : les erreurs susceptibles d’en neutraliser la valeur devant le juge

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L’enquête interne est fréquemment présentée comme un outil de sécurisation pour l’employeur confronté à des allégations de harcèlement moral ou sexuel. Pourtant, la jurisprudence récente démontre qu’une enquête mal conduite peut non seulement perdre toute valeur probante, mais également se retourner contre l’employeur dans le cadre d’un contentieux prud’homal.


L’analyse des décisions rendues par les juridictions sociales permet d’identifier plusieurs erreurs récurrentes, régulièrement sanctionnées par les juges.


I. Croire que l’enquête interne constitue une preuve suffisante en elle-même


Une erreur fréquente consiste à considérer que la seule existence d’un rapport d’enquête permettrait de justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement.


Or, la Cour de cassation rappelle de manière constante que :

l’enquête interne constitue un élément de preuve parmi d’autres, dont la valeur probante est appréciée souverainement par les juges du fond (Cass. soc., 29 juin 2022, n° 21-11.437 ; Cass. soc., 18 juin 2025, n° 23-19.022)

Ainsi, une enquête interne non corroborée par d’autres éléments objectifs (témoignages, écrits, éléments matériels) peut être jugée insuffisante.


II. Mener une enquête sans garanties suffisantes d’impartialité


La jurisprudence admet que l’employeur dispose d’une liberté dans le choix de l’enquêteur. Toutefois, cette liberté est strictement conditionnée au respect du principe d’impartialité.


Lorsque l’enquête est conduite par une personne étroitement liée à la hiérarchie ou impliquée dans la situation litigieuse, le rapport peut être fragilisé, voire écarté, en raison d’un doute sur son objectivité.


Dans un contexte contentieux, l’impartialité de l’enquêteur constitue un point de contestation central.


III. Négliger les exigences issues du RGPD


L’arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2025 (n° 23-19.022) rappelle avec force que les données collectées dans le cadre d’une enquête interne sont soumises au règlement général sur la protection des données (RGPD).


La Cour juge notamment que :


  • les courriels professionnels constituent des données à caractère personnel,

  • le salarié dispose d’un droit d’accès à leur contenu et à leurs métadonnées,

  • sauf atteinte aux droits et libertés d’autrui.


Une enquête reposant sur des éléments non communicables ou collectés sans base légale suffisante peut perdre toute efficacité probatoire.


IV. Confondre enquête interne et procédure disciplinaire


L’enquête interne a pour finalité d’établir les faits. Elle ne se confond ni avec la procédure disciplinaire, ni avec la phase de sanction.


Certaines décisions sanctionnent les employeurs ayant engagé une procédure disciplinaire sans disposer d’éléments suffisamment établis, ou ayant utilisé l’enquête comme un simple instrument de justification a posteriori.


Cette confusion expose l’employeur à un risque élevé de contestation du licenciement.


V. Sous-estimer le contrôle du juge prud’homal


Le juge prud’homal procède à une appréciation globale des éléments produits par les parties.Il n’est nullement tenu par les conclusions du rapport d’enquête et peut :


  • en relativiser la portée,

  • en écarter tout ou partie,

  • ou considérer qu’il ne permet pas d’établir la réalité des faits reprochés.


L’enquête interne doit donc être conçue en anticipation du contrôle juridictionnel, et non comme un simple outil interne de gestion de crise.


Conclusion


L’enquête interne constitue un instrument essentiel de prévention et de traitement des situations de harcèlement, mais elle représente également un acte juridique à haut risque lorsqu’elle est mal maîtrisée.


Les décisions récentes démontrent que seule une enquête conduite avec rigueur, indépendance et conformité juridique peut conserver une réelle valeur probante devant le juge.


Dans cette perspective, le recours à un avocat expert en enquêtes internes permet de sécuriser la méthodologie, d’anticiper les enjeux probatoires et de limiter les risques contentieux pour l’employeur.

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